lundi 26 juillet 2010

1ers tours de pédales, 1er col, 1ères rencontres, 1ère arrestation…

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Départ de Dushanbe dans la chaleur intense, impossible de rouler entre 11h et 16h. Ajoutez à cela le manque d’entraînement, des pistes bien pourries, des ponts cassés, des glissements de terrain, un col à 3250m, de nombreuses pauses pour admirer le paysage ou prendre des photos, et des intestins qui ont décidé de prendre qqs libertés, les premières étapes ne sont pas bien longues. 12 jours pour ralier Khorog à seulement 550km… A ce rythme, ce n’est pas 6 mois qu’il va me falloir pour couvrir l’itinéraire mais probablement 12 !


Je roule pour le moment en fort bonne compagnie : Pierre avec qui j’ai déjà voyagé l’été dernier, Céline une québécoise sympatoch qui est sur un itinéraire similaire, et Ricky un néo-zélandais non mois sympatoch.



Deuxième soir dans la petite ville de Faizabad, je fais une rencontre nettement moins sympathique. Les intestins animés par de brusques spasmes, je décide de quitter le resto pour rentrer à l’hôtel. Il est 9h du soir et il fait nuit noire. Je passe devant 3 jeunes gars assis sur un banc, l’un d’eux me siffle et me parle en russe, je les ignore. Il se lève et me suit. J’accélère le pas. Il m’attrape le bras. Encore un jeune con qui veut emmerder le monde me dis-je (la suite me prouvera que finalement, je n’avais pas tort !), je me dégage. Il me sort alors une carte : « police, police ». Et merde ! Pas d’autre choix que de le suivre, encadrée par ses 2 acolytes. Je sors mon tel portable pour envoyer ostensiblement un message aux autres restés au resto, histoire de montrer que je ne suis pas toute seule. Je me retrouve dans une pièce avec un bureau, qqs chaises et un vieil ordinateur.
« Document, passeport ».
Les 3 analphabètes se passent mon passeport qu’ils tentent de déchiffrer.
« Noma ? »
« Anne DUSSERT, c’est écrit en gros, lisez-donc dans le bon sens bande de *** ».
Ils rigolent et me posent des tas de questions auxquelles je ne comprends strictement rien, et examinent le contenu de mon sac. Je surveille qu’ils ne mettent rien dans leur poche au passage (le petit couteau multifonction est pourtant bien tentant…). Mon porte-feuille passe discrètement sous la table qqs secondes, je me rendrai compte plus tard qu’il manque 50 somonis (une dizaine d’euros). Au bout d’une quinzaine de minutes, un jeune parlant anglais arrive dans le bureau et me sert de traducteur. Je lui fais part de mon mécontentement et lui demande de m’expliquer ce qu’ils veulent. « You want money? That’s corruption! ». Tout mes papiers sont en ordre, rien à me reprocher. « Tout ça donne une bien mauvaise image du Tajikistan, blablabla, démocratie blablabla, si vous voulez des touristes qui apportent des devises blablabla… ».
Ca les fait bien marrer. « Ok, you go, you go ».
Alors que je sors du bâtiment, celui qui se fait passer pour le chef me dit qu’il faut que je passe au secrétariat pour payer la taxe et me faire enregistrer. « Yeah, right ! See you tomorrow !!! ».

J’ai le privilège d’être raccompagnée jusqu’à l’hôtel par le jeune traducteur qui interpelle un copain à lui pour nous tenir compagnie. “How old are you ? Very beautiful”. Je marche bien au milieu de la rue histoire de profiter de l’éclairage public et éviter la contre-allée trop sombre à mon goût. Arrivés devant l’entrée de l’hôtel, ils font mine de vouloir rentrer avec moi. Euh… je crois qu’il doit y avoir méprise, je n’ai pas l’intention de vous inviter à partager ma chambre ! Ils n’insistent pas. L’anecdote reste racontable.

A part pour cette malencontreuse rencontre, les Tajiks sont adorables. Toujours souriants, prêts à nous aider. Dès les 1ers kms, nous sommes invités à partager une pastèque ou à bavarder autour d’une tasse de thé. Les enfants viennent nous offrir des fruits (c’est la pleine saison des abricots, des cerises et des mures). La barrière de la langue est frustrante, mais les sourires et les gestes sont universels. On pourrait s’arrêter boire le thé toute la journée. Déjà qu’on avance pas bien vite…

Le soir venu, s’il n’y a pas d’hôtel, il y a toujours une famille qui nous invite à passer la nuit et partager un repas. C’est la première fois en voyage à vélo que je vois un tel sens de l’hospitalité. Les rapports avec les gens ne sont pas basés sur l’argent contrairement à d’autres pays plus touristiques, c’est un vrai plaisir d’échanger simplement.


Les paysages à la sortie de Dushanbe ne sont pas spectaculaires, mais on passe rapidement par de magnifiques gorges. La montée au 1er col rappelle les cols de chez nous avec les alpages et qqs sommets enneigés en arrière plan. Il y a très de circulation car la route est coupée à cause d’un pont en réparation, mais ça passe à vélo. Puis on atteint la rivière Panj qui marque la frontière afghane que l’on longe sur 250km. Enfin un peu de goudron par endroit. Qqs carcasses de tanks renversés, vestiges de la guerre. Ca fait bizarre. Nous sommes sur une vraie route, dans un pays certes moins développé que chez nous mais où les gens ont l’eau courante, l’électricité, des téléphones portables, et pas mal de confort. Juste en face, à qqs dizaines de mètres, des villages totalement isolés (aucune route ne les relient au reste de l’Afghanistan), des maisons en banco. Les gens qui nous saluent circulent à pieds ou à dos d’ânes. Il suffirait de quelques brasses pour aller boire le thé de l’autre côté (bon, il y a quand même un sacré courant !). C’est à fois si proche et si éloigné. Côté tajik, on aperçoit ce qui a dû être une tranchée pendant la guerre, avec des mini-tours faisant face à la rivière. La présence militaire est encore palpable. On se demande bien comment le conflit a pu s’étendre jusqu’ici. Derrière les villages afghans, il n’y a qu’une chaîne de montagne les coupant du reste du pays. Au bord de la rivière, un mince chemin à flanc de montagne s’efface par endroit au milieu d’éboulis.

Nous atteignons enfin Khorog, petite ville frontière à 2000m d’altitude. Il fait moins chaud. Je profite du confort d’une guesthouse agréable. Douche, repos, mécanique vélo, internet. Je repars demain direction Ishkashim, visa en poche pour aller trekker une dizaine de jours dans le couloir de Wakhan. Ensuite, retour sur le vélo direction les Pamirs puis le sud du Kirghizstan, passage obligé pour atteindre la Chine. Pas d’internet avant d’atteindre Kashgar en Chine, probablement fin août. Pas de nouvelles d’ici là donc.

Portez-vous bien.
Anne

Qqs photos :




1er col








Passage du pont en construction


Vestiges de la guerre


Villages afghans

Rivière Panj



Pour filtrer l'eau, chacun sa technique...




16 commentaires:

  1. Salut Anne,

    Souviens-toi des quelques conseils donnés par des "consoeurs" dans Carnets d'Av qui parfois avaient des maris imaginaires :
    - Je suis venu en avance, mon mari arrive demain..."

    Pour le reste continue de te régaler.

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  2. Merci pour les nouvelles et tous les détails. Cela fait du bien de savoir que nous n'allons pas encore démarrer les recherches !!!
    Sans rire, prend bien soin de soin.
    Bizz

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  3. Génial ! Ca me redonne envie de pédaler à l'aventure ! Très bonne route et grosses bises !

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  4. Que d'aventures !
    Après une ou deux semaines sur le vélo, tu devrais pouvoir avancer plus facilement.

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  5. En un mot: Admiration!
    En plusieurs mots: merci de nous faire partager un si joli voyage, de belles rencontres, et surtout bon courage pour les jours où les montées ou les problèmes seront plus importants.
    Profite Anne et prends bien soin de toi.
    Amitiés. Brenda

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  6. Super,pour continuer à suivre ton aventure, j'ai mis ton blog dans mes "favoris" (ce n'est pas peu dire !). Pas mal le coup de la Police Tajiks

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  7. Hello Anne !
    Par hasard, sur le journal local, j'ai découvert qui était cette jeune femme menue à la voix douce qui intervenait dans ma classe à l'école de la Crête. Je lis ton blog et je reste sans voix...et admirative...
    Je suivrai ton expédition. Bonne continuation ! Amicalement
    Liliane, ancienne instit' de CE2 à La Crête

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  8. Coucou Anne ! et bien, je guettais tes news depuis pas mal de jours, va falloir être patiente jusqu'à fin aout !!! superbe aventure en tout cas !! grosses bises Lyonnaises !
    ana

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  9. Bonjour Saramaca, c'est ta photo dans le dernier numéro de CCI (je t'ai tout de suite reconnue sans pouvoir te resituer , mes deux neurones ne supportant pas les dissociations en tre lieux et personnes) qui m'ont fait penser que tu devais être à pied d'oeuvre, au pied du mur, là où on voit le maçon. Je ne me trompais pas... Félicitations pour la bourse et grosses bises. Bernard.

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  10. Salut,
    c'est cécile (à marseille). J'ai entendu des mauvaises nouvelles concernant "la région himalayenne"..et les inondations. la zone est vaste mais je me fais du soucis pour toi ! Donne nous des nouvelles.
    Bises

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  11. Salut Anne. Bon ben on pense bien à toi, on t'encourage fort et on attend des nouvelles avec impatience.

    Nathalie et Michel
    Les vélos couchés

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  12. extra,ça me fait rêver

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  13. Merci Anne de prendre le temps de nous faire partager ces moments avec toi.
    Je compatis à tes intestins, les miens n'ayant que très laborieusement surmonté mon installation à Casablanca.
    Je te souhaite encore des moments riches et beaux à venir et t'envoie force bisettes en direct du pays qui vit au rythme lent du Ramadan.
    Aurélie.

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  14. clement elisabeth1 septembre 2010 à 05:09

    Ta maman m'a donné des nouvelles de toi, tu es arrivée en Chine... Bravo !... je suis pleine d'admiration pour ce que tu fais. Bon courage et prend bien soin de toi ! Bises - Babette

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  15. Salut Anne !
    On se connaît ni d'Eve ni d'Adam mais je suis tombé sur ton blog par hasard, je suis moi-même parti voyager à vélo pendant deux mois cet été et j'ai aussi tenu un carnet de route, mais dans des conditions très différentes...
    J'admire ton courage, et j'espère un jour pouvoir me lancer dans une aventure aussi incroyable.
    Je te souhaite plein d'énergie et d'épanouissement pour la suite, on est rendus début Septembre et toujours pas de nouvelles, j'espère que tout va bien !

    Amicalement,
    Edouard.

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  16. Salut Anne,
    Je viens d'apprendre ton périple par ta maman. Toutes mes félicitations. Mais je dois avouer que je te reconnais bien dans ce genre de défi. Prend bien soin de toi, quand même. Et sois prudente aussi avec la police !
    Gros biz et à bientôt de lire la suite de tes aventures.
    Catherine et Joel

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